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Plongée dans le creuset d’Al-Kimiya

Al-Kimiya a-t-il trouvé la pierre philosophale ? Quoi qu’il en soit, la marque menée par Rahim Abdallah a fait une entrée fracassante et remarquée dans le paysage des juice makers français. Il faut dire que le concocteur de potions n’est pas tout à fait un inconnu.

Citoyen du monde

Lorsqu’on demande à Rahim Abdallah de parler de son parcours, il éclate de rire. Il faut dire que l’homme derrière Al-Kimiya a bâti une destinée singulière.

“Mon père est libanais, mais né en Afrique, et sénégalais de choix, ma mère est métisse anglaise et congolaise. C’est vrai que, parfois, quand on me demande quelles sont mes origines, j’ai un peu de mal à répondre, confie-t-il. Mais je me définis comme un produit du monde.” Et pour cause, le fondateur d’Al-Kimiya a vécu dans une dizaine de pays et parle 6 langues.

Sur le plan des études, là non plus le juice maker ne s’encombre pas de frontières. “J’ai un parcours juridique. Je suis maître en droit des entreprises en difficultés, avec tout ce que cela comporte comme contenu juridique, comptable, économique.” Mais cela ne suffit pas à l’hyperactif qu’il est au fond puisqu’il a aussi un parcours en criminologie.

Dès la fac, l’homme aux multiples facettes a envie d’entreprendre. “Pendant mes études, avec d’autres amis étudiants comme moi, nous avons monté une petite maison d’édition de jeux de société.” Ah, oui, un petit projet étudiant sympa, en fait. “Oui, au début. Ça a commencé avec quelques amis dans une chambre d’étudiant, ça s’est terminé par une société qui emploie 25 personnes.” Durant cette période, il engrange une expérience qui lui sera utile plus tard.

La vape, une passion

Rahim Abdallah découvre la vape dans une boutique toulousaine (Delismoke) et se passionne très vite pour le sujet. “J’avais un problème d’acheteur compulsif, je passais chaque semaine et j’avais des paniers à 200-300 euros !”, avoue-t-il. Une passion que beaucoup ont connue : “c’étaient les débuts de la vape, il n’y avait pas grand-chose. Mais chaque semaine, il y avait des nouveautés, de nouveaux liquides, du nouveau matériel, et il fallait absolument tout essayer !”

Un si bon client attire l’attention des patrons, Benjamin Muller et Marie Penigaud. “Il a pris l’habitude de m’offrir le café à chaque fois que je passais, puis l’apéro, se souvient-il. Puis on a fini par dîner ensemble et par devenir de véritables amis.”

Les gérants demandent alors un audit à Rahim. “Le père de Benjamin était le patron d’Ekoms. La vape était en pleine expansion, et l’entreprise était à un stade où elle devait soit grossir, soit arrêter. Benjamin voulait savoir ce qui était viable ou non, et j’ai préparé un dossier complet sur la société : ce qui était bien, moins bien et ce qu’il fallait lancer ou changer.”

Il rend son rapport à Benjamin, qui décide de se lancer et lui propose de racheter la société avec lui et sa compagne. “On s’est lancés dans cette aventure il y a environ 3 ans, en 2018.”

Chez Ekoms, il profite de son background, acquis à travers son expérience professionnelle, que ce soit son entreprise de jeux de société ou ses autres emplois. “J’avais aussi travaillé chez Micromania, donc je maîtrisais la communication, la vente et le marketing”, précise-t-il. Chez Ekoms, il s’occupe de juridique, de marketing, et un peu de commercial.

Il y retrouve aussi des amis. “À l’époque, Ekoms était sous la tutelle de Yann Mutel, qui en est parti après pour créer Big Papa, avec le succès que l’on sait. Yann était déjà avant un de mes meilleurs amis, et il m’a appris pas mal de choses dans la création de liquides”, précise l’entrepreneur. 

Un nouveau talent

C’est une révélation. “Je me suis découvert un petit talent pour le juice making en créant notamment le Punk Panther, le fameux bonbon Dragibus d’Ekoms. Quand Yann est parti pour créer Big Papa, je l’ai remplacé au laboratoire. Ça s’est ajouté à la liste des choses que j’avais à faire. La création de liquide était censée être un divertissement, et j’ai créé 23 recettes”, sourit-il.

Mais déjà son regard se tourne ailleurs. “Je me suis rendu compte qu’avec Ekoms, on avait créé une image très corpo, le Apple de la vape, ce qui est une très bonne chose. Mais à un moment, ça ne me correspondait plus. Le temps passe et les gens changent, la personne d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier, et j’avais envie de faire quelque chose à mon image.”

Le copropriétaire d’Ekoms se met à réfléchir à l’Al-Khemist (l’alter ego juice maker de Rahim, NDLR), et s’en ouvre à ses amis : Jérôme Treulier de Religion Juice, Yann Mutel de Big Papa et ses amis de Bud’s Vape. Tous le poussent à se lancer.

Il est aussi suivi par Ouate. C’est une agence de communication spécialisée dans la vape, où officient Lila et Nico. Rahim Abdallah les connaît de longue date, et “ils ont le don de mettre mes délires en image”, admet-il. Et l’image d’Al-Kimiya est immédiatement reconnaissable.

L’alchimie dans le creuset

Et ainsi naît Al-Kimiya. “Ce concept réunit l’esprit yoga et mes origines orientales, explique-t-il. L’alchimie, c’est l’art de faire de l’or, et aussi la recherche de la perfection. Je suis un de ces anciens vapotos en quête perpétuelle de cet all day qu’on ne trouve jamais, et c’est ça que je voulais ramener.”

Le boss d’Al-Kimiya veut sortir du lot. “Le milieu de la vape est devenu une industrie, et ça se sent. Trop souvent, on prend nos meilleures créations et on essaie de les reproduire, mais on n’ose plus innover. Je me rappelle les premiers vapéros, tu arrivais et tu prenais un nuage dans la tête, tu te demandais ‘mais qu’est-ce que c’est que cette odeur, ça a l’air dingue !’ À l’époque, on découvrait le Snake Oil, le Radiator Pluid, le Red Astaire, et c’étaient des découvertes de fou !”

C’est l’idée derrière Al-Kimiya. “Je voulais retrouver cet esprit, casser les codes, apporter quelque chose de nouveau pour faire la différence.”

Pour créer ses potions, l’alchimiste a un secret. “Mais je ne sais pas si je dois le dire, les gens vont se dire que je suis dingue !”, rit Rahim. À force d’âpres négociations, il consent à dévoiler sa méthode : “L’idée première d’un liquide vient dans la phase de demi-sommeil. Cette phase où on s’endort mais où le cerveau tourne à plein. Là, j’ai l’idée de deux ou trois ingrédients que j’ai envie de voir ensemble.” 

Il les note et ensuite “c’est l’assemblage, le dosage, on ajoute des choses, on en enlève d’autres, jusqu’à arriver à ce qu’on veut. C’est trouver ce moment où on jette la dernière pincée d’épices et où on voit la vapeur colorée s’élever pour dire que c’est prêt.”

Pour savoir qu’un liquide est prêt, il doit correspondre à un critère précis : “Je dois pouvoir me dire que je ne pourrai pas faire mieux et que je ne me contenterai pas de moins bien.”

Un accueil à la hauteur

Lancé mi-mars, Al-Kimiya a reçu un accueil que l’on peut qualifier d’excellent, tant par les commentaires sur les groupes de vapoteurs que dans les boutiques. “Un mois après le lancement officiel (date où a été faite l’interview, NDLR), certains magasins en sont à leur deuxième, voire troisième réassort. Les retours sont incroyablement flatteurs, de toutes mes créations, ce sont les meilleurs retours que j’ai eus. Le succès du lancement est d’autant plus flatteur qu’il s’est fait uniquement sur la com’, souligne Rahim. Là aussi, j’ai voulu proposer autre chose. J’adore la littérature et il y a un côté très littéraire dans Al-Kimiya, je ne me contente pas de phrases de trois lignes pour décrire le liquide. C’est un tout. J’ai voulu y mettre plus que ce que l’on trouve habituellement.”

Al-Kimiya a fait fort avec trois recettes. “En fait, j’en avais sept prêtes. Mais je ne pouvais pas tout faire dès le début, et il a fallu faire un choix, ça a été un moment cruel. J’ai choisi ces trois-là, mais il n’y a pas un jour où je me dis que j’aurais dû en prendre un autre.” Qu’il se rassure, le choix est le bon.

C’est à se demander si la région n’est pas un creuset créatif pour la vape. Rahim habite non loin de chez Yann Mutel, mais aussi de Sofia Bendidane et Martial Lemal de La Fine Équipe. “On habite tous quasiment dans le même quartier, en fait, on se voit souvent.” D’accord, mais ce n’est pas parce que l’avenir de la vape se situe à Toulouse qu’on va tous dire “chocolatine”.

On sait que Al-Kimiya garde encore quatre potions en réserve, et Rahim ne pouvant s’empêcher de créer, d’autres sont certainement sur les rails. On ne sait pas si cet Al-Khemist a trouvé le secret de la pierre philosophale, mais il a trouvé la recette du bonheur de vaper, et ce n’est déjà pas un mince exploit. 

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